Deux familles au Kerala

Découvrir la beauté de l'Inde passe par la découverte de la vie dans les familles. Partout, pénétrer dans l'intimité d'une famille a toujours été un honneur et une chance. Pouvoir discuter, partager un thé, jouer avec les enfants, goûter à la cuisine familiale, partager un moment privilégié, découvrir parfois les femmes sous un autre jour, ou les découvrir tout court dans certains cas.

Dans le train de jour qui nous mène de Gokarna à Ernakulam, on rencontre Jeanne et Firoz. Elle est suisse et lui est keralais. Ils se sont rencontrés en Inde, se sont mariés et ont deux enfants, Léo et Rahul. Rapidement, ils nous invitent chez la maman de Firoz, à Keralassery (à prononcer « Kerala-chéri »). Il nous promet de la cuisine traditionnelle, et il touche là une corde sensible! Claire découvre avec nous les beautés du Kerala. Le village est isolé et entouré d'une végétation luxuriante et de rizières. Les bananiers, les jacquiers et les cocotiers se font la guerre pour trouver le soleil dans cette jungle. On est traités comme des rois, ou juste comme des invités dans une famille indienne. Jeanne nous fait découvrir les alentours et partage avec nous son expérience de femme occidentale mariée à un indien, la vie en Suisse, l'intégration dans la famille de son mari et dans la communauté villageoise. Entre les copieux repas, on réussit à faire un tour dans les rizières. La balade est entrecoupée de tchais, le thé au lait, toujours aussi doux et sucré, mais moins épicé que dans le Nord.

Le soir, on discute des voyages et de l'Inde de tous les jours. On parle de nos chez-nous respectifs, de nos envies, de nos projets. Claire tente d'aider à faire la vaisselle, Stef regarde Jeanne bercer Rahul à l'indienne, et je joue avec Léo. On fait partie de la famille, comme ça, pendant deux jours, simplement.

 

On quitte nos amis pour rejoindre Ernakulam et Fort Kochi, et plus au Sud, Alleppey et la région des canaux. Dans ce coin du Kerala, on se déplace en bateau sur les canaux bordés de cocotiers. La vie le long de l'eau est paisible; les femmes lavent le linge ou font leur toilette, les enfants jouent et les hommes pêchent.  Après deux heures de bateau depuis Alleppey, on débarque à Champakulam. En cherchant un peu entre les rizières, on s'aperçoit vite qu'on ne trouvera aucun hôtel dans notre budget, alors on se met en quête d'une chambre à louer chez l'habitant ou d'un jardin où camper. Difficile d'entamer la conversation et de demander à des inconnus si on peut dormir chez eux. Claire découvre une des facettes de notre voyage qui l'a rendu si exceptionnel. A force de refus, on se décide à faire demi-tour et à rentrer à Alleppey où les guesthouses abondent. Non! Un dernier essai, là sur ce chemin qui s'éloigne de la route, juste pour voir. Sur la terrasse d'une maison, il y a une vieille dame, Lalitha, qui parle un très bon anglais. On lui explique qu'on cherche un bout de jardin, pour la nuit, et elle fait semblant de ne pas comprendre. Elle cherche à en savoir plus sur nous, nous pose des questions sur la France et la Belgique, et pour finir nous offre sa terrasse pour la nuit. Nous sommes donc officiellement devenus des invités. Sa fille et ses deux petit-fils sont là aussi et nous font la conversation. 

''Vous voulez manger? De la soupe de riz, ça vous va?''. Je me souviens encore que cette question a tourné dans nos 3 têtes quelques minutes... De la soupe de riz???

''Oui, oui. C'est du riz avec son eau de cuisson!''

S'il n'y avait pas les épices et les pickles, ce serait infâme, mais finalement c'est très bon. On continue de discuter avant d'installer notre camp sur la terrasse. La nuit est courte et pleine de moustiques et le lendemain matin on quitte nos hôtes tôt, pour s'enfoncer un peu plus loin, le long des canaux. En nous disant au-revoir, Lalitha glisse dans nos sacs des petit-déj, enveloppés dans des feuilles de bananier, et nous on se glisse dans le ferry qui sent l'essence et l'humidité. Le moteur rugit dans un vacarme de bois et de métal, et glisse de l'autre côté du canal...