38 heures

L'Amritsar Express doit arriver à 2h du matin et il n'est que 18 h. Sur le panneau lumineux, Ju regarde le plan du train : notre voiture S1 s'arrêtera au repère 13.

Après 3 mois de découverte du sud de l'Inde, on a envie d'en savoir plus sur le nord, ses montagnes, sa culture, alors on s'apprête à voyager 38 heures dans le même train pour remonter vers le Punjab, et on relativise; notre voisin attend son train pour Calcutta... 81 heures au programme et il ne part qu'à 7 heures du matin! A minuit, on peut enfin se décharger de Musclor et Diabolo, nos fidèles montures, qui voyageront dans le compartiment cargo.

 

Le train arrive avec 45 minutes d'avance, et on s'engouffre dans le wagon avec toutes nos sacoches. Sous les fines couvertures, des pieds qui dépassent dans tous les sens, tout le monde dort. Une de nos couchettes est déjà occupée, mais on s'y attendait. On réveille le bonhomme qui part s'écrouler un peu plus loin, et bercés par les roulements du train, on ne tarde pas à s'endormir.

 

Dès les premiers rayons de soleil, tout le monde s'agite et les vendeurs ambulants proposent thé (tchaï, tchaï, tchaï masala!!!) et idlis (idli vada, idli vada, garam garam!), de leur voix nasillarde et chantante. Même le contrôleur a son petit refrain pour demander les tickets! A chaque gare, de nouveaux vendeurs sautent dans le train avant même qu'il ne ralentisse et proposent de tout: des jouets, des oreillers gonflables, des portes-clés, des chaussettes, des boissons et de la bouffe en veux-tu en voilà...  Je dois réparer mes sandales (elles parlent quand je marche) et je me dis que ce serait le pied si les ''services'' venaient à nous dans le train... un coordonnier par exemple... et bingo! Quelques heures plus tard, mon vœu est exaucé et mes chaussures réparées... parfois je me dis qu'on a vraiment des vies de pacha!

 

Une petite fille me sourit là-bas, je descend de ma couchette la mine de travers, découvre le visage souriant de nos voisins... et visite les toilettes qui, à ma grande surprise, sentent bon la vanille! (je mens bien sûr, mais je ne tiens pas à faire fuir nos fidèles lecteurs par des détails qui n'en valent pas la peine)

Derrière les fenêtres, la paysage a déjà nettement changé. La végétation dense et verdoyante de Goa a laissé place à un décor beaucoup plus sec. Nous sommes au Gujarat, au sud du Rajahstan. Le train est calme, tellement calme qu'il parâit presque vide. Certaines couchettes sont restées vides toute la nuit et toute la journée.

 

Les heures passent lentement... Deux jours et deux nuits das le train, on n'avait pas encore tenté l'expérience! Le premier jour, Les températures écrasantes nous clouent sur nos couchettes. Rien de mieux à faire que lire, écrire et dormir. Mais rapidement on ressent le besoin de fermer les fenêtres et de se couvrir. La deuxième nuit est nettement plus fraîche et le matin plus gris. C'est un peu décevant quitter le beau temps du Sud pour se retrouver dans la grisaille et même la pluie. A  New Dehli, on sort se dégourdir les jambes sur le quai malgré les quelques gouttes de pluie qui commencent à tomber. Les visages sont différents. Non, pas différents, il y a juste plus de mélange ici. Les gens viennent sans doute des quatre coins de l'Inde, toutes castes confondues. Ca grouille plus, et c'est aussi plus sale... beaucoup plus sale!  Aux abords des villes, des kilomètres de déchets multicolores baignent dans la boue et dégagent des odeurs nauséabondes.

Il est presque 16 heures, heure prévue d'arrivée et je demande à notre voisin où nous sommes. Il nous annonce que le train à quelques heures de retard et que nous arriverons à Amritsar vers 20h. Ouille! Le trajet de 38 heures vient de se transformer en trajet de 42 heures!

On prend notre mal en patience en mangeant un chana masala avec des puris, on joue aux cartes, et on attend avec impatience de retrouver la ville de nos premiers pas en Inde, et ce temple qui nous avait tellement touchés.