En transit au Turkmenistan - Turkmenbaşy veille au grain

Le passage de la frontière a été plus facile que ce qu'on pensait. On s'attendait à des fouilles de bagages et des questionnaires interminables, mais finalement on a plutôt eu affaire a des douaniers sympathiques. Une fois la taxe d'entrée payée, on passe les dernières portes, et nous voilà au Turkménistan, un des pays les plus fermés au monde, au coude à coude avec la Corée du Nord.


Ca descend jusqu'à Ashgabat depuis le poste frontière, et à mesure qu'on se rapproche de la capitale turkmène, la chaleur est de plus en plus intense. On sue à grosses gouttes, et le fort vent venant de la vallée fait des siennes. Et après ces 35 kilomètres de descente, l'architecture mégalomaniaque d'Ashgabat s'offre à nous : de larges rues désertées par les voitures, d'énormes bâtiments modernes et tous identiques alignés sur le boulevard, … C'est calme, c'est propre, et il n'y a pas de klaxons. On file jusqu'au centre-ville en passant devant le regard bienveillant de la statue dorée de Turkmenbaşy.

 

Un sacré bonhomme celui-là! Même mort depuis plusieurs années, il continue d'être un dictateur. Président de la République du Turkménistan, il a usé de tous les stratagèmes pour devenir une icône du peuple d'abord, un guide spirituel parfois, un dictateur toujours.

Et là encore, on s'attendait à devoir faire face à une police corrompue et tenace avec les touristes... rien du tout! Bon, la police est clairement là. Il y a un flic à chaque coin de rue à vrai dire. Il doivent s'ennuyer les pauvres sous les 45°C du désert turkmène... alors ils rappellent à l'ordre ceux qui traversent hors des passages piétons et arrêtent quelques bagnoles qui sont passées un peu trop tard au carrefour. Dans les rues d'Ashgabat, les bâtiments gigantesques abritent des administrations aux noms tous plus longs les uns que les autres. Dans un pays comme celui là, la quasi totalité des gens travaillent pour le gouvernement, alors il faut bien leur inventer des trucs à faire...


Mais cette ville aseptisée aux airs faussement modernes cache une main de fer contrôlant le pays. Sous l'autorité de Turkmenbaşy, et encore aujourd'hui, les concerts de musique occidentale sont interdits, la liberté d'expression est inexistante, et nombreux sont les journalistes emprisonnés ou disparus. Les médias sont contrôlés et diffusent en boucle les images du grand Turkmenbaşy, et il est quasiment impossible pour les Turkmènes de voyager. On ne compte plus les statues et les images du "guide" dans les rues d'Ashgabat. Pour calmer les esprits, le gouvernement a par exemple rendu le gaz gratuit pour tous les habitants du pays.

 

Et nous pendant ce temps-là, on sirote notre bière sur une terrasse, en manches courtes et sans foulard. Le contraste avec l'Iran est saisissant, mais pas seulement sur ce point. Les femmes sont présentes et bien visibles dans leurs superbes robes fleuries traditionnelles, aux couleurs vives qui descendent jusqu'aux chevilles. Et nous, on a l'impression d'être devenus invisibles. Après avoir été regardés comme des extra-terrestres en Iran, voilà qu'on ne nous regarde même plus. Enfin presque plus! En prenant une photo d'un mariage qui avait lieu près de la terrasse où on boit notre bière, on s'y est faits inviter! Très gênés mais en même temps très curieux d'y assister, on prend place à une table vide sur laquelle trônent des assiettes de nourriture. Sur la table, il y a aussi des bouteilles de soda et de jus de fruit, et l'inévitable Arak, la vodka locale. Au fond de la salle, les mariés ont l'air de sérieusement s'emmerder. Ils jettent quand même un oeil à notre table pour savoir si tout se passe bien. Finalement on finit même par danser, avant de quitter les festivités, la bouteille d'arak entamée dans le sac.

 

A la gare on croise nos amis hollandais rencontrés en Iran, Jorma et Aziza, qui voyagent à vélo et à pied depuis presque un an. Ils nous rejoignent dans notre maison d'hôte où on cohabitent avec des pigeons de concours , et on reprend ensemble notre cure de bière et de conversations. On parle de tout et de rien et on prévoit de continuer la route ensemble. On prend ensemble un train de 13 heures vers Turkmenabat. Couchette, clim, confort, pour 2€ chacun... ça a parfois du bon la dictature.

 

A destination on récupère nos vélos, et Stef se chope une petite turista. Pas joli joli... des douleurs intestinales et tout ce qui va avec, mais il faut rouler vers la frontière ouzbek parce que notre visa de transit expire aujourd'hui. Malgré son estomac qui joue au yoyo, on avance tant bien que mal sous le soleil de plomb, jusqu'au poste frontière qui se dessine au loin, perdu dans le désert. On change 100$ avant les formalités, et on se retrouve avec une liasse de 2kg de billets ouzbek. Un dernier sourire doré avec les douaniers turkmènes, et on angoisse un peu en pensant aux formalités qui nous attendent au prochain poste frontière, au bout du couloir de barbelés de 400 mètres de long...