Betel-juice

Dans le vacarme de la gare routière, un Indien s'avance vers moi, et crache un long jet mauve à mes pieds. ''PFUIT!'' Un jet lisse, courbe, parfait, qui s'écrase sur le sol sans bruit. Je le regarde d'un air dégoûté mais rassuré qu'il ait épargné mes sandales. Il me répond en souriant, d'un sourire édenté taché de rouge. Cette couleur, rouge foncé, c'est la noix de bétel. Tout le monde en chique ; hommes, femmes, ados, mélangée à des épices, du tabac et enveloppée dans une feuille.

 

On en trouve partout, dans le moindre magasin, au naturel ou emballé dans de petits sachets qui coûtent 2 roupies, et qu'on retrouve éparpillés dans la nature aux quatre coins du pays.

Hommes et femmes se ruinent la santé et la dentition en mâchant ce produit, et tous crachent et tachent le sol et les murs dans la rue ou dans les lieux publics. Bien sûr, il y a quelques panneaux dissuasifs du genre ''cracher répand la tuberculose'', mais les murs (des chambres d'hôtel notamment) gardent les marques des crachats et ressemblent parfois aux murs tachés de sang d'un abattoir. Ce produit provoque aussi le déchaussement des dents, ce qui explique la situation buccale de notre ami du début.

Un jour au bord de la route, un groupe de femmes en propose à Stef, qui accepte, plus curieuse que méfiante. Le goût d'abord léger devient amer et désagréable et elle crache rapidement sa bouchée sur l'asphalte. Ca fait rire les passants, mais ça fait moins rire Stef qui après 5 secondes de mastication a la bouche pleine d'une affreuse bouillie rougeâtre et n'ose plus sourire. Sa curiosité lui perdra...