Bulgarie: une petite pause pour nos gambettes

En arrivant à Sofia, on est un peu amers. On regrette d'avoir traversé la Serbie aussi rapidement, et d'avoir seulement vu le paysage à travers les vitres des bus et des trains. Ça se ressent peut-être dans nos photos qui n'ont pas l'air aussi joyeuses que ce qu'on voudrait. Mais c'est pour la bonne cause : nous sommes attendus le 20 décembre à Zhelen, dans une ferme près de Sofia. Nous y passerons deux semaines, pour les fêtes de fin d'année, pour donner un coup de main dans la ferme, apprendre le plus possible sur les cultures organiques et découvrir un peu plus la vie rurale bulgare (projet WWOOF).


A Sofia, il fait très froid. On se balade un jour avec trois écharpes et deux paires de chaussettes. Sans plus. A part quelques jolis monuments, la ville n'a rien de spécial à offrir en hiver, et on se dit même qu'on ne repassera pas par là après la ferme.

Le 20 décembre, rendez-vous est pris avec Ian et Catz à la ferme. Il a de nouveau neigé cette nuit alors on prend le train. Arrivés à Svogue, on commence l'ascension vers le village de Zhelen. La couverture de neige est épaisse et on ne peut presque pas rouler, alors il faut pousser les vélos. Avec -10°C, les roues gèlent, ne tournent plus, et Diabolo (la monture de Stef), ne veut plus avancer. Ils nous faut au total 4 heures pour arriver à la ferme, on est un tout petit peu énervés. Heureusement, à l'arrivée, un bon repas nous attend... Avec nous, ça marche à tous les coups!

 

Ian est anglais et Catriona est écossaise. Ils ont cette ferme depuis deux ans et depuis, ils la retapent tant bien que mal. Ils ont beaucoup d'idées, mais on a l'impression que beaucoup se perdent en paroles. Nous étions venus pour apprendre le plus de choses possibles et pour passer les fêtes de Noël avec eux, et nous avons en effet passé de très bonnes fêtes, mais c'est tout. Un repas traditionnel bulgare le 24 décembre, et un repas écossais le 25. On s'en met plein la panse, on rencontre les autres invités que sont Paddy et John, et on a même droit à des cadeaux.

 

Malheureusement, on réalise assez vite que ce n'est pas le meilleur moment pour le Wwofing. Il fait froid et humide et tout tourne au ralenti. En gros, en deux semaines on n'aura pas fait grand chose d'intéressant (coupé du bois, cuisiné, rangé, construit quelques barrières), on aura beaucoup mangé, et on aura passé un bon Noël au chaud ainsi qu'une superbe fête de Nouvel an. Parce qu'il faut le dire, ça reste quand même un bon moment et ça nous a permis de rencontrer l'ami Paddy, un mec en or qui fait un Service Volontaire Européen dans des fermes en Bulgarie.

Il nous a emmené à Sofia chez ses amis pour le Nouvel An avec à la clé une soirée gastronomique, un super concert de Goran Bregovic (!!!), et des rencontres, toujours des rencontres.

 

On quitte la ferme pour se diriger vers Veliko Tarnovo, où un ami de Paddy devrait nous héberger.

 

Pour mieux profiter de notre séjour et de nos rencontres bulgares, nous avons acheté un guide de conversation français/bulgare aux marché aux livres de Sofia. Il est tellement mauvais qu'on ne peut pas s'en servir, mais juste pour le plaisir, voici le top 20 des meilleures phrases qu'on y a dégotées:

 

  • Permettez-moi de vous faire la connaissance monsieur Kolev, madame Richar

  • Peux-je vous accompagner près de votre maison?

  • Avez-vous quelque chose contre que je fume?

  • Restez encore un peu, il m'est tellement agréable que vous m'aviez visité - Non, il faut que je parte, demain est un jour lourd.

  • Quel temps va-t-il faire demain? - Il est chaleureux! / Il tonne! / Les nuages ont couverts le soleil!

  • A la douane : Quelque chose à imposer des droits de douane, de l'or, des dévises? / J'ai un permis d'exporter cette peinture!

  • A l'information de ceux qui reçoivent, l'avion de Paris s'atterrit à l'aéroport de Sofia.

  • Avez-vous envie de vaumir? Prenez un sac en plastique!

  • Je m'intéresse à la culture. Montrez-moi des monuments de la culture.

  • à l'hôtel : L'ascenseur est en face. Piccolo, prenez les bagages de la dame!

  • À la poste: Excusez-moi, où est le fonctionnaire? Donnez-moi des enveloppes de lettres luxueuses et timbres-postes!

  • Pouvez-vous remplir la formule pour moi?

  • C'est un automat de phonecartes.

  • Faites-vous du certain sport? Oui, je me patine et je fais une rame.

  • Au restaurant: Avez-vous choisi? Une eau-de-vie de prunes et une salade de Chope!

  • Je voudrais ordre deux pizzas grandes au jambon et fromage jaune.

  • Quels types de gâteaux avez-vous? Choisissez-vous de la vitrine!

  • L'argent fait tout devenir possible!

  • Garder une poire pour la soif.

  • Je ne peux pas me permets cela.

  • Excusez-moi, où se trouve l'uniprix? Où vas-tu faire tes achats? Dans le Magasin Central Universel probablement.

  • Excusez-moi, est-ce le magasin de nouveautés?

  • Cette robe ne m'est pas sur mesure. Cette cravate ne va pas à ce beau costume. Je veux acheter deux paires de jeans. Cette canadienne vous sera étroite. Cette étoffe vous plaît-elle? Essayez la pelisse.

  • Où se trouve la librairie des matériels de chancellerie?

  • Je voudrais du papier réglé.

  • Un aspirateur de poussières.

  • Un briquet résistant à vent, S.V.P!

  • Chez le médecin: Votre gorge a rendu rouge. Votre langue est chargée.

Comme vous pouvez l'imaginer, on s'amuse comme des petits fous, et on préfère améliorer notre bulgare en buvant de la rakija!

Bulgarie: la rentrée des cuisses

Le 4 décembre, quand tous les écoliers belges et français retournent à l'école, pour nous c'est la rentrée des cuisses. Après trois semaines de pause cyclo-touristique, il faut se remettre en selle et au rythme de vie. On recommence nos achats quotidiens : soupes, pain, fruits, miel, fromage, pâtes, chocolat (obligatoire!) et polenta. On passera la première nuit dans une gare abandonnée, par -7°C (estimation d'après le claquement des dents de Stef).

 

En Bulgarie, la première difficulté qu'on rencontre c'est le cyrillique. Il faut vite apprendre, on progresse doucement, et on lit comme un gamin de 5 ans. Mais rapidement, une deuxième difficulté vient s'ajouter. Les bulgares ont la facheuse habitude de secouer la tête de gauche à droite pour dire oui, et de hocher la tête pour dire non. Du coup : ''C'est bien la gare de Svogue ici?'' - ''Da!'' Dit-il en secouant la tête. Il nous faut à chaque fois un temps de réflexion de 5 secondes pour comprendre... C'est amusant pour nous, et ça fait également rire les gens qu'on rencontre sur la route!

 

La météo est capricieuse. Le lendemain on se fait piéger par la neige. A 14h il neige trop fort, et les flocons nous fouettent le visage. Après un rapide coup d'oeil dans le village, un tiers des maisons ont l'air abandonnées, et on se demande bien où on va dormir. Mais la chance nous apporte Rosa. Elle a 64 ans, elle est institutrice et économiste, et complète ses journées en tant que maire de Gorna Bishovitsa. On est accueillis comme des rois. Rosa nous sort des bocaux de Turshia maison (légumes conservés dans le vinaigre), du pain, du vin maison, du jus de pêches maison, du jus de chou maison (pas terrible d'après Julien, mais excellent contre la gueule de bois d'après Rosa), et bien entendu de la rakija dont les effets ravageurs sont connus par vous tous (sinon ça ne saurait tarder). Elle est patiente et prend le temps de nous expliquer plein de choses malgré la barrière de la langue, et nous offre même la recette de sa traditionnelle Banitza, que nous partageons avec vous ici, rien que pour vos beaux yeux (avec les ingrédients chez vous, on n'est pas certains que ça marchera, mais ça vaut la peine d'essayer).

 

БАНИЦА – BANITZA

 

400g de fromage genre feta

feuilles à Banitza (ou feuilles de brick)

3 oeufs

2 yaourts

huile de tournesol

bicarbonate de soude


Mélanger une cuillère à café de bicarbonate avec les yaourts. Battre les oeufs avec un verre et demi d'huile. Mélanger le tout. Ajouter le fromage émietté avec les doigts. Mélanger doucement (ça ne doit pas être homogène).


Préchauffer le four à température maximum.

 

Dans un plat métallique de préférence, il faut alterner les feuilles et le mélange, en mouillant les feuilles avec un peu d'eau dans laquelle on ajoute un peu de bicarbonate de soude – environ 8 couches (il faut finir avec une feuille au dessus)

Dans la fin du mélange, ajouter un peu d'eau, et arroser la Banitza.

 

Enfourner et laisser cuire environ 30 minutes.

Pour que la Banitsa soit plus tendre, Rosa conseille de la retourner sur des pots en verre pendant quelques minutes (nous n'assumons pas la responsabilité des éventuelles catastrophes culinaires...)

 

C'est pas mal avec du yaourt ou de l'arian (du yaourt coupé avec de l'eau).

Dobar Apetit!

 

Avec toute cette bouffe, je ne sais plus où j'en étais... Ah oui, le vélo! Rosa nous laisse partir le lendemain en versant une larme, en nous disant que maintenant on est de la famille, et nous lance un franc ''je t'aime''.

Les routes sont toujours enneigées, mais ça fond rapidement, alors on continue vers Veliko Tarnovo.

 

A 60 kilomètres de Veliko Tarnovo, on s'arrête dans un petit village. On prend nos trois mots de bulgare à deux mains, on demande un jardin pour la nuit, et on finit au chaud chez Margarita et son mari qui nous offrent la totale : Turshia, soupe, poulet, dessert, rakija (j'allais le dire me direz-vous!), et une nuit dans un lit douillet avec en prime un magnifique pyjama! (La photo de Julien en pyjama rose à fleurs est mise aux enchères, prix de départ: 1 pot de nutella! Qui dit mieux?)


Une particularité en Bulgarie, et dans les Balkans d'ailleurs, c'est que lorsqu'on est accueillis, on nous prête des chaussons. Dans chaque maison, il y a un panier rempli de chaussons, tous aussi beaux les uns que les autres, et nos pieds en sont ravis!

 

La route est un peu ennuyeuse : longue, droite, monotone et pleine de bagnoles. Les panneaux publicitaires de 6 mètres sur 3 défilent tantôt pour nous proposer un nouveau forfait de téléphone incluant internet, tantôt Bruce Willis nous toise avec un sourire en coin du haut de sa pub pour de la vodka, et parfois perchés sur leur affiche deux ou trois types trinquent à notre santé, une bouteille de bière à la main. De temps en temps au loin au sud, les montagnes enneigées sortent des nuages, et laissent apparaître des cols que nous évitons.

 

Après 5 jours de vélo, on est accueillis chez Tysho à Veliko Tarnovo. On y découvre la forteresse, la ville perchée, les bars et les bars, la mayo sur la pizza, et il nous emmène grimper (petit clin d'œil à Nico à quelques heures de son départ). Oui, il faut le dire la passion de Tysho c'est l'escalade. Tous ses copains sont grimpeurs, ils ne pensent qu'à la montagne, et ils ne marchent pas, ils grimpent! Encore un bien belle rencontre.

 

Le temps s'est un peu rafraîchit mais nous quittons Veliko Tarnovo presque sous le soleil. D'après notre carte, nous allons devoir passer un col à 1097 mètres. Il y avait bien un col à 700 mètres sur une autre route, mais tous les avis confirment qu'ils y a trop de bagnoles. Sur la route, on campe près d'Elena, et on repart le lendemain sous la neige. Au-dessus de 15 km/h, chaque flocon est comme un doigt dans l'oeil.

 

Après quelques doigts dans les yeux, un camion s'arrête devant nous. A force de gestes et de phrases répétées 10 fois, on finit par comprendre qu'il y a trop de neige au col pour qu'on passe, et qu'il vaut mieux mettre les vélos à l'arrière du camion. En montant au col, la route est gelée et le camion patine, et nous, on réalise qu'on ne serait jamais montés! Ivan, le chauffeur, n'est pas très bavard et nous non plus: on préfère qu'il garde les mains sur le volant plutôt que de faire des gestes. Il arrive quand même à nous faire comprendre qu'on est invités chez lui ce soir. Rebelote : vin, turschia, rakija...


Maintenant la route jusqu'à Elhovo est plate et plutôt jolie. Nous traversons des villages bien traditionnels! Le ciel s'est dégagé et l'accueil de notre ami John est magnifique. Bonne bouffe, discussions intéressantes, programme alléchant pour les prochains jours!

ON reste six jours chez John, C'est un peu plus que prévu, mais les 50 centimètres de neige tombés en 24 heures ont changé nos plans. L'hiver il n'y a pas grand chose à faire, à part jouer aux boules avec les amis de John, cuisiner, manger, et aller faire la fête au café du village!

La route est glissante quand on part vers la Turquie et le vent glacial qui souffle nous fait passer de -7 à -15°C. La frontière de l'Asie est à 35 kilomètres...

 

En Bulgarie, et dans les Balkans en général, nous avons pris une vraie leçon d'hospitalité. Au retour, parmi tous nos projets, avoir un panier de chaussons et une porte ouverte aux étrangers aura une place de première importance, c'est certain. Nous n'oublierons jamais tous ces gens qui nous ont accueillis comme si nous étions de la famille, et qui nous ont offert tout ce qu'il pouvait et même un peu plus.

On a entendu de belles choses sur l'hospitalité turque. On vous en dira des nouvelles bientôt, du moins on espère!