Exils

Perché sur un pic dominant les vallées du Punjab s'étend le village de Mac Leod Ganj, refuge de milliers de Tibétains exilés, et de leur chef spirituel, le Dalaï Lama. Mais ce qui me marque le plus en débarquant sur mon vélo au carrefour principal, ce sont les affiches et les panneaux pour des hôtels, des terrasses sur les toits, et des petits-déjeuners occidentaux. Dans les rues pas plus larges qu'une voiture, se pressent des dizaines de taxis qui se fraient un chemin au milieu des étals de souvenirs et de vendeurs de momos.Le vacarme des klaxons nous a suivis jusqu'ici, alors on s'enquiert d'un hotel isolé et calme.

 

L'air est frais à 2000 mètres d'altitude, malgré le soleil de mars, et les touristes se promènent enveloppés dans des écharpes et des bonnets, emmitouflés dans les vestes les plus chaudes qu'ils ont pu trouver.

En se lançant dans l'exploration de cet étrange village, j'ai du mal à me sentir à l'aise, un peu agressé par tous les restaurants pour touristes, les vendeurs tibétains qui proposent sans honte des objets fabriqués en Chine, et les voitures qui forcent le passage dans les rues encombrées.

 

Pour s'échapper un peu de cet univers, on marche vers les hauteurs. Les forêts de pins s'étendent à perte de vue, dominées par le Moonpeak, scintillant de neige au-dessus de nos têtes.

Un jour, on s'envolera d'un petit bond dans le vide, accrochés à la voile d'un parapente, pour découvrir le bonheur de voler. Sous nos pieds s'étalent des champs et des villages de silence, et seul le bruit du vent dans nos oreilles vient nous rappeler que nous ne sommes pas devenus sourds. Le retour en Inde est rapide : à l'atterrissage, une dizaine de gamins laissent tomber leurs batte et balle de cricket et se bagarrent pour ranger le parapente dans son sac dans l'espoir d'obtenir quelques roupies. ''Un jour, moi aussi je m'envolerai, doivent-ils se dire...

 

Au troisième jour de notre séjour, Mac Leod Ganj est en effervescence : le Dalai Lama va donner des leçons publiques. Des centaines de Tibétains et d'étrangers se sont précipités ici, dans l'espoir d'apercevoir et d'écouter Sa Sainteté dans le temple. On se joint à la masse, émus d'apercevoir cet Homme grâce à qui les Tibétains exilés gardent espoir depuis des années, heureux de partager ce moment intense avec tant de monde... malheureusement, les hauts-parleurs crapottant nous empêchent de comprendre les paroles du Dalaï Lama, on ne s'éternisera donc pas.

 

On réenfourche nos vélos à l'assaut de ces montagnes qui nous font plus d'effet que tous les discours du monde! Sur les minuscules routes en lacets, on va suffisamment lentement pour profiter de toute la vue sur les sommets enneigés, et pour s'arrêter dans les villages isolés. On profite de la chaleur des maisons himachali, et de l'accueil princier que les habitants nous réservent. On aurait du réviser notre Hindi, mais malgré ça, les barrières sont vite brisées : le dhal et le riz y sont pour beaucoup!

 

Il fait froid à Shimla, la capitale d'été de l'Inde du Nord, et les rues sont quasi désertes. Les magasins de luxe sont fermés, et on a du mal à trouver quelque chose d'ouvert pour manger... La raison principale, c'est qu'aujourd'hui c'est le festival Holi, appelé aussi fête des couleurs. Pour éviter d'être couverts de couleurs et d'eau, les habitants et les touristes restent planqués chez eux, tandis que des hordes de gamins se battent à coup de pigments aux couleurs vives et de bouteilles d'eau. Plusieurs jours après, même les chiens gardent des traces de la fête!